L’observation spatiale nous aide à surveiller et à prévoir la qualité de l’eau des lacs
Kerstin Stelzer, Géographe - Brockmann Consult, Hambourg, Allemagne
Il est possible de contrôler la qualité de l’eau depuis un satellite en étudiant la lumière réfléchie par la surface d’un plan d’eau. La couleur de l’eau dépend des ingrédients qui la constituent. Nous pouvons ainsi détecter les efflorescences d’algues, qui apparaissent en vert et observer leur répartition. En combinant ces observations avec des tests et des modèles in situ, nous pouvons fournir aux utilisateurs tels que les administrations, les fermes aquacoles mais aussi aux citoyens des informations importantes sur la toxicité de ces proliférations d’algues et prédire leur croissance et leur localisation.
Interview
Je m’appelle Kerstin Stelzer et je travaille chez Brockmann Consult. J’ai étudié à l’Université de Trèves et travaille depuis 22 ans en tant que responsable du département des services d’information géographique et de télédétection. Notre entreprise, située à Hambourg, propose des services et des logiciels associés à l’utilisation des données satellitaires et à l’observation de la Terre. Nous fournissons des produits pour les utilisateurs, en particulier pour les applications aquatiques et côtières.
Quand nous utilisons les données satellitaires pour évaluer la qualité de l’eau, l’instrument satellitaire mesure la lumière réfléchie par le plan d’eau.
Dans l’eau, il y a certains ingrédients qui vont influencer sa couleur. Si, par exemple, il y a des micro-algues, la substance verte absorbera la lumière et réfléchira la lumière verte pour que l’eau apparaisse verte. S’il y a des sédiments dans l’eau des rivières, ces sédiments reflètent les parties brunes ou jaunes de la lumière, de sorte que l’eau apparaît brunâtre ou jaune selon le sédiment qui s’y trouve. Nous allons exploiter cette information sur la couleur de l’eau pour analyser ce qui se trouve dans l’eau et dans quelle concentration.
Mon travail quotidien implique beaucoup de communication, de développement d’algorithmes et de validation de nos produits. En termes de communication, nous échangeons beaucoup avec les utilisateurs qui utilisent nos données et nos services. Avec eux, nous essayons de définir comment ils aimeraient travailler avec nos données afin que nous puissions les aider et répondre à leurs questions. Par exemple, si quelqu’un identifie une prolifération d’algues dans un lac et s’inquiète de ce que c’est, cette personne appelle l’administration, qui examine les données qu’elle obtient de nous pour voir quelle est l’ampleur de la prolifération d’algues et comment elle s’est développée sur ces derniers jours. Nous avons eu également le cas d’une administration qui voulait organiser un triathlon dans la ville de Hambourg. Ils voulaient que les participants puissent nager dans la rivière et dans le lac Alster mais, en été, des bactéries peuvent proliférer, ce qui peut être toxique. Il était donc nécessaire de faire des tests avant l’événement pour voir si l’eau est de bonne qualité. Grâce aux données satellitaires, nous avons pu repérer les efflorescences d’algues et déterminer si elles seront présentes dans les zones où vont nager les athlètes. Il y a bien sûr des tests in situ pour cela. Mais la combinaison de donner in situ et de données fournies par le satellite nous permettre les concentrations exactes en certains points et de suivre leurs évolutions.
Au cours des dernières années, certains lacs ont vu se multiplier des efflorescences d’algues pendant la période estivale alors que dans d’autres cas elles étaient plutôt en déclin.
Des mesures ont été prises par les administrations pour améliorer la qualité de l’eau et, dans certains lacs, vous pouvez vraiment voir dans les données satellitaires que la qualité de l’eau s’est améliorée au cours des dernières années. Ce sont les remontées que nous avons des administrations. Notre rôle est de fournir les bons outils aux utilisateurs pour analyser les lacs, et nous les aidons à comprendre ces données car ce sont encore des techniques nouvelles.
Au cours de l’été 2018 qui était très chaud, de nombreux lacs ont eu un problème de prolifération de bactéries et les journaux ont même dit que des chiens mouraient parce qu’ils nageaient dans ces lacs affectés par des proliférations de cyanobactéries nocives. Il est donc important pour les propriétaires de chiens de connaître la qualité de l’eau des lacs avoisinants. Si nous examinons la situation dans son ensemble et que nous observons tous les lacs d’une partie du pays, nous pouvons alors dire quelle était la situation dans de nombreux lacs différents cet été-là. Ces informations peuvent être acquises par satellite en une seule intervention, nous n’avons donc pas besoin d’avoir un millier d’échantillons, juste plusieurs images qui nous restituent l’historique des lacs d’un pays.
L’objectif 6.6 des ODD concerne la protection et la restauration des systèmes d’eau douce. Cet objectif a un indicateur, qui est le suivi des changements dans les écosystèmes d’eau douce. Il existe un outil, développé par le PNUE qui utilise des données satellitaires pour étudier les changements dans les écosystèmes d’eau douce et qui donne la disponibilité de l’eau, la qualité de l’eau et l’état des zones humides et si elles sont en déclin. Il existe un autre outil qui utilise l’observation de la Terre : l’explorateur des écosystèmes d’eau douce, qui repose entre autres sur les services de Copernicus pour fournir des informations sur la qualité de l’eau des lacs répartis dans le monde entier. N’importe quel pays peut utiliser cet outil, demander la qualité de l’eau dans son pays et rendre compte au PNUE de la situation de ses lacs.
Les données satellitaires sont rarement utilisées seules, il est donc toujours bon de combiner les différentes techniques à notre disposition. Les données in situ sont toujours très importantes lorsque l’on travaille avec des données satellitaires. Elles sont nécessaires pour mesurer des paramètres qui ne peuvent pas être détectés par les données d’observation de la Terre. Nous pouvons, par exemple, mesurer la concentration de chlorophylle, mais les mesures in situ nous indiquent de quel type d’algue il s’agit et s’il existe d’autres substances comme des nutriments ou des bactéries coli qui ne peuvent pas être vues par satellite. Cela signifie que les mesures prises à différentes profondeurs fournissent plus d’informations, mais les données satellitaires nous fournissent la distribution de la prolifération. Combiner les avantages de différentes techniques est la clé pour obtenir une image complète de l’environnement.
Par ailleurs, nous travaillons sur des modèles. Les modèles peuvent prédire des événements pour le futur. Ainsi, dans une image satellite, nous obtenons une observation du jour et des jours précédents. Avec des modèles, nous pouvons prédire ce qui va se passer dans une semaine ou deux. C’est important pour l’aquaculture. Si un aquaculteur voit qu’il y a une prolifération d’algues mais ne sait pas si cette prolifération d’algues affectera sa ferme, il ne saura pas quoi faire. Avec une combinaison d’observation de la Terre et de modèles, il peut être averti que, dans 3 ou 4 jours, la prolifération d’algues sera proche de sa ferme et il pourra prendre les mesures nécessaires.
Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable
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