En surveillant les zones humides depuis l’Espace, nous protégeons la biodiversité et le cycle de l’eau
Iphigenia Keramitsoglou, Directrice de Recherche en Observation de la Terre, Observatoire National d'Athènes, Grèce
La cartographie des zones humides est une tâche très difficile. Certaines d’entre elles sont inondées en permanence alors que d’autres ne le sont que de manière saisonnière ou occasionnelle. Ces changements font des zones humides des écosystèmes très dynamiques, que seuls les satellites en orbite basse nous permettent de surveiller efficacement grâce à leur fréquence de passage.
Interview
Je suis directrice de recherche en observation de la Terre à l’Institut d’astronomie, d’astrophysique, d’applications spatiales et de télédétection de l’Observatoire national d’Athènes en Grèce.
Mon domaine d’intervention est le traitement des images satellite pour le développement d’applications environnementales, afin de mettre la puissance des informations acquises depuis l’Espace à la disposition des organisations et des citoyens.
Les zones humides font partie de notre paysage et sont définies par la présence de l’eau.
Elles font partie des écosystèmes les plus productifs du monde. La biodiversité des zones humides et les activités économiques corrélées, dépendent de la période d’inondation et de la quantité d’eau présente. Ces deux paramètres qui évoluent avec le temps, nécessitent un suivi systématique pour comprendre leur évolution et mieux gérer ces espaces.
Le territoire balkanique méditerranéen regorge d’écosystèmes lacustres, de zones humides intérieures et côtières ainsi que de systèmes fluviaux. Ils ont tous une grande valeur de conservation. Malgré leur importance, les connaissances sur ces zones humides restent éparses et incomplètes.
WetMainAreas a été créé pour «Améliorer l’efficacité de la conservation des zones humides». Le projet a été lancé en septembre 2017, dans le cadre du programme de coopération transnationale Balkan-Méditerranée 2014-2020 cofinancé par l’Union européenne et les fonds nationaux des pays participants. L’objectif principal était de contribuer à la protection, à la conservation et au développement des zones humides, en tant qu’atout commun du territoire balkanique méditerranéen.
Il comprend des institutions partenaires de 4 pays différents (Bulgarie, Grèce, Albanie et Macédoine du Nord). La participation de ces pays a aidé à surmonter les frontières nationales et à développer des connaissances partagées sur les zones humides et les écosystèmes transnationaux. Bien que Chypre n’ait pas été représentée dans le partenariat, le projet couvre également ce pays.
Pourquoi utilisons-nous l’Espace pour surveiller le régime hydrique des zones humides?
La cartographie du régime hydrique des zones humides est une tâche très difficile. Certaines d’entre elles sont inondées en permanence alors que d’autres ne le sont que de manière saisonnière ou occasionnelle. Ces changements font des zones humides des écosystèmes très dynamiques, que seuls les satellites en orbite basse nous permettent de surveiller efficacement grâce à leur fréquence de passage.
Pour mener à bien ce projet, j’ai travaillé étroitement avec ma collègue et amie Eleni Fitoka, responsable de l’inventaire des zones naturelles au Centre grec des zones humides du biotope du Musée d’histoire naturelle de Goulandris.
Nous avons élaboré une méthodologie de suivi des régimes hydriques des zones humides balkaniques et méditerranéennes, pour aboutir à un service opérationnel d’observation de la Terre par satellite à partir des deux satellites européens – Copernicus Sentinel 2A et 2B.
Le projet comporte deux phases distinctes. La première phase consiste à identifier les zones humides et à utiliser ces informations pour mettre à jour les bases de données nationales.
Cette phase a révélé la présence de petites zones humides non répertoriées dans des régions reculées et inaccessibles. Une fois les bases de données nationales mises à jour, nous avons utilisé ces emplacements pour mettre en place le service de surveillance. Lorsque Sentinel-2 passe au dessus d’une zone humide, une nouvelle image est téléchargée. Les bandes spectrales sont ensuite traitées et plusieurs indices sont calculés. Les statistiques liées à l’humidité et à la présence d’eau par pixel donnent l’état de permanence de l’eau.
Toutes les zones humides des cinq pays balkaniques méditerranéens ont ainsi été cartographiées avec une taille de pixel de 10 mètres.
Avec le temps, plus d’images peuplent la base de données augmentant la valeur statistique des résultats.
Le service fournit une série chronologique avec toutes les images satellite disponibles. L’analyse statistique par pixel peut révéler la périodicité, l’étendue et la durée des inondations ainsi que les événements d’inondation occasionnels ou extrêmes.
80% de la surface des zones humides est par ailleurs désignée comme d’importance internationale selon la Convention de Ramsar ou les réseaux NATURA 2000 et Emeraude.
WetMainAreas a ainsi pour vocation de soutenir des politiques et des plans d’action sur les écosystèmes des zones humides. Il améliore la capacité des autorités locales et nationales à prendre des décisions éclairées et à coopérer pour l’intégration et la durabilité des écosystèmes.
Nous avons ainsi cumulé trois années de données sur 5 pays grâce à ces deux satellites et nous surveillons le régime hydrique de plus de 8 600 sites de zones humides. Celles-ci couvrent environ 2% du territoire balkano-méditerranéen.
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