Le changement climatique est en cours – les technologies spatiales sont indispensables pour le comprendre et nous adapter
Benoit Meyssignac, Climatologue CNES, Toulouse, France
Au cours de mes recherches, je m’intéresse particulièrement à l’évolution du cycle global de l’eau et de l’énergie en réponse au changement climatique. Les techniques spatiales permettent d’évaluer la hausse du niveau de la mer, d’en comprendre les causes, et de réaliser les études de risques pour aider les communautés côtières.
Interview
Je suis climatologue au CNES, l’agence spatiale française. Pour faire ce métier, j’ai suivi des études de physique et de mathématique, et je suis entré dans une école d’ingénieur et puis j’ai passé une thèse en océanographie. Par la suite, j’ai été embauché par le CNES pour travailler d’abord sur le calcul des orbites des satellites puis pour utiliser les données des satellites pour comprendre le changement climatique. Au cours de mes recherches, je m’intéresse particulièrement à l’évolution du cycle global de l’eau et de l’énergie en réponse au changement climatique. J’analyse ce cycle avec la filière d’altimétrie radar qui a été créée par le CNES et la NASA, et grâce aux données de géodésie spatiale que le CNES soutient aussi avec la NASA.
Un des éléments importants de ce cycle global de l’eau et de l’énergie, est la hausse du niveau de la mer. C’est l’un des éléments que j’étudie en particulier avec les satellites du CNES qui sont Topex et Jason 3 et bientôt Sentinel 6, un satellite de l’ESA et d’EUMETSAT.
En ce qui concerne la hausse du niveau de la mer, la situation est particulièrement préoccupante. A cause du changement climatique, le niveau de la mer augmente cinq à dix fois plus vite que les évolutions que l’on a connues au cours des 5000 ou 6000 dernières années. Cette augmentation est liée directement aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre qui retiennent le rayonnement infrarouge de la Terre, et qui font réchauffer la Terre. Parce que la Terre se réchauffe, l’océan en particulier se dilate, les glaces continentales fondent et ces deux éléments font augmenter le niveau des océans particulièrement rapidement. Le niveau de la mer va augmenter encore longtemps. Quels que soient les scénarios d’émissions, il augmentera pendant des centaines d’années. Il faut dès maintenant commencer à s’adapter à cette élévation actuelle et à celle qui viendra dans le futur.
Les technologies spatiales sont centrales dans l’observation du niveau de la mer. Elles permettent d’observer précisément son élévation, d’en comprendre les causes et de nous adapter. Aujourd’hui nous utilisons de nombreuses techniques pour le faire: une technique spatiale centrale, c’est la série de satellites altimétriques construits par le CNES et la NASA, avec le premier satellite TOPEX en 1992, suivi de la série des satellites JASON (1,2,3), et maintenant la série SENTINEL qui est depuis quelques années développée par l’ESA et EUMETSAT. Nous utilisons aussi des satellites qui nous permettent d’observer les causes qui font monter le niveau de la mer en particulier d’observer la fonte des glaces qui se trouvent sur les continents, que ce soient les glaciers de montagne ou les glaces qui sont prisonnières des calottes polaires, comme le Groenland et l’Antarctique. Ce sont des satellites de gravimétrie spatiale comme AGEOS, STARLETTE, mais aussi les satellites plus récents comme GRACE ou GRACE-FOLLOW ON.
Les techniques spatiales ne permettent pas seulement, d’évaluer la hausse du niveau de la mer et d’en comprendre les causes, elles permettent aussi d’évaluer ses impacts sur la côte et le risque encouru par les communautés côtières. Nous utilisons essentiellement deux techniques: l’interférométrie radar avec le nouveau satellite SWOT, qui va être bientôt lancé par le CNES et la NASA. C’est une technique de nouvelle génération d’altimétrie radar qui permet d’avoir une résolution très fine des variations du niveau de la mer à la côte et d’évaluer l’impact local de cette élévation.
Par ailleurs sur la côte et dans les terres, nous utilisons l’imagerie visible haute résolution par des satellite tels que Pléiade qui permettent d’évaluer les mouvements du trait de côte et la réponse du trait de côte à la hausse du niveau de la mer.
Lors des événements extrêmes qui sont de plus en plus nombreux avec le réchauffement climatique, nous utilisons aussi ces images hautes résolutions pour pouvoir localiser les régions impactées par les inondations.
Je profite de l’exposition L’Espace pour notre Planète pour transmettre un message au nom de la communauté des scientifiques qui travaillent sur les données satellites. Lorsque l’on travaille avec ses données satellite, on se rend compte que le changement climatique est en cours. Tous nos modèles montrent qu’il est en cours aujourd’hui et qu’il va durer des centaines d’années et tous nos modèles montrent aussi que plus on s’y prend tôt pour le réduire moins les impacts seront importants.
Il faut aujourd’hui continuer à comprendre les mécanismes de ce changement climatique mais il faut dès maintenant commencer à réduire nos émissions et il faut dès maintenant commencer à nous adapter à ce changement climatique. Plus on s’y prend tôt, plus ce sera facile pour les générations futures.
Galerie
La lutte contre le réchauffement climatique est devenue un élément indissociable de la réalisation du développement durable.
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