Lors d’une catastrophe, la coopération internationale s’organise grâce aux images satellites
Hélène de Boissezon, Ingénieure d'études, CNES, Paris, France
Toulouse, France
Interview
Je travaille au CNES, l’agence spatiale française. J’ai une formation d’agronome, mais dans mon parcours, j’ai fait beaucoup d’autres métiers et travaillé sur d’autres thématiques.
Ma mission au CNES est de développer l’usage de toutes les techniques spatiales que ce soit l’observation de la Terre, les satellites Telecom ou le géo-positionnement, pour l’usage dans les sociétés civiles au sens large et dans l’économie.
Lorsqu’une catastrophe majeure survient, les équipes qui doivent intervenir pour apporter des secours n’ont souvent que très peu d’informations sur ce qui s’est vraiment passé et sur la façon dont la zone a été impactée. Dans ce cas, les images prises par satellite, qui peuvent être programmées très peu de temps après la catastrophe, apportent une information très précieuse pour organiser les secours sur place. Parfois les infrastructures de télécommunication ont été endommagées voir complètement détruites, et dans ce cas, ce sont les satellites de télécommunications qui peuvent permettre de rentrer en contact avec les personnes sur place. Et enfin les techniques de géo-positionnement par satellite comme Galileo aident à bien positionner et à savoir où les équipes vont se rendre.
En Haïti, lors de l’ouragan Matthieu, le spatial a été utilisé dans sa composante Observation de la Terre à la demande des partenaires haïtiens de la protection civile Haïtienne. Le CNES, l’agence spatiale française, a mis à disposition des images Pléiade très précises avec une résolution au sol de 70 cm par 70cm pour aider à l’organisation des secours.
La Charte Internationale Espace et Catastrophes Majeures existe depuis plus de 20 ans. C’est une coopération entre 17 agences spatiales dans le monde qui fournit un service 24/7, toujours activable pour, en cas de catastrophe majeure, programmer très rapidement des images satellites et fournir gratuitement ces images et des cartes dérivées aux équipes de secours qui interviennent sur le terrain.
Souvent, ce sont des protections civiles qui activent la charte ou bien cela peut être les Nations Unies. Cette charte a été créée par le CNES et l’ESA. Le CNES fournit beaucoup d’images Pléiades, et l’ESA des images du service Copernicus, les Sentinels .
Le Recovery Observatory (RO) est une initiative encore émergente, qui complète le dispositif de la charte, qui ne fournit des images que pendant la phase de réponse à l’urgence, pour les protections civiles. Le Recovery Observatory, l’observatoire de la reconstruction, arrive juste après, pour faire en sorte que l’observation de la Terre soit aussi utile pendant les phases post-crise. Il intervient lors du “early-recovery”, pendant les tous premiers jours ou semaines après la catastrophe mais aussi à plus long terme pour aider les plans de reconstruction.
Nous avons aussi fourni des cartes des zones côtières qui avaient fortement impactées par des vents extrêmement violents.
Dans le cadre du Recovery Observatory, d’autres utilisateurs ont été les bénéficiaires notamment pour l’agriculture, le ministère de l’agriculture avec des cartes des zones agricoles qui avaient été dévastées et leur suivi au cours du temps; Et pour le parc de Macaya, une réserve de biodiversité très importante en Haïti, le ministère de l’environnement. Nous avons aussi fourni des cartes de glissements de terrains, des cartes de l’évolution des zones urbaines pour l’aménagement du territoire.
Lors de l’activation de la charte internationale en Haïti pour l’ouragan Mathieu, la protection civile Haitienne, la DGPC, a été l’utilisateur numéro 1 des produits spatiaux, notamment des cartes très précises des villes des Cayes et de Jérémie.
La Charte Internationale Espace et Catastrophes Majeures est accessible à tout pays dans le monde, donc, tout comme Haïti, qui a maintenant le statut d’utilisateur autorisé, tout pays qui a une agence de Protection Civile Nationale, qui peut travailler en anglais et travailler en mode numérique peut demander cet accès. Quant au Recovery Observatory, c’est une initiative qui est maintenant passée dans une phase de démonstrateur après le premier pilote en Haïti. Les démonstrateurs vont être déclenchés par la Banque Mondiale, les Nations Unies ou l’Union Européenne, à la suite de catastrophes majeures. Il y en aura 3 à 5 dans le monde entier. Nous ne savons pas encore où seront les démonstrateurs, cela dépend où se passent les catastrophes. Et donc pendant 3 à 6 mois, les agences spatiales vont fournir des images pour alimenter la phase post-désastre à la suite de demandes de la Banque Mondiale ou d’autres institutions.
Plus généralement, mon message, notamment pour les jeunes, c’est que l’imagerie satellite est un outil incroyable pour voyager, même à distance, pour travailler avec d’autres pays, d’autres civilisations, d’autres cultures, comme nous avons pu le faire avec Haïti. Nous avons créé des liens extrêmement étroits avec nos collègues haïtiens, à la suite à l’ouragan Matthieu.
L’imagerie satellite est vraiment un outil, une information, une matière qui permet aux gens de dialoguer, de se rencontrer autour de l’image de notre planète.
Galerie
Des partenariats inclusifs construits sur des principes et des valeurs, une vision commune et des objectifs communs sont nécessaires.
En voir plus