Nous devons protéger les ciels étoilés, source d’inspiration pour les générations présentes et futures
Connie Walker, Scientifique - NOIRlab, Tucson, Arizona USA
83 % des habitants de la Terre vivraient actuellement sous un ciel nocturne pollué par la lumière. Cette pollution lumineuse n’est pas seulement un problème pour notre patrimoine culturel commun. Elle menace les observations astronomiques réalisées jusqu’aux sommets des montagnes les plus reculées. Elle affecte négativement les écosystèmes et met en péril les oiseaux, les tortues de mer, les animaux nocturnes et les insectes. Elle perturbe les rythmes biologiques humains avec des impacts importants sur notre santé. Pour lutter contre ce phénomène, l’Union astronomique internationale (IAU) définit le seuil maximal tolérable de pollution lumineuse pour les sites astronomiques de 10 % au-dessus du niveau naturel.
Interview
Je m’appelle Connie Walker et je travaille depuis plus de 20 ans à l’Observatoire national des États-Unis, connu sous le nom de NOIRlab (NSF) sur des programmes liés à l’éducation, l’astronomie et la protection du ciel étoilé. J’ai été impliqué sur les problèmes de pollution lumineuse sur Terre depuis 2002 et dans l’Espace depuis les deux dernières années. En dehors de NOIRlab, j’ai occupé des postes de direction dans la protection du ciel étoilé au sein d’associations astronomiques nationales et internationales telles que l’American Astronomical Society, l’International Astronomical Union et l’International Dark-Sky Association.
La perception de notre place dans l’univers commence par notre capacité à voir le ciel nocturne.
Mais on estime aujourd’hui que 83 % des habitants de la Terre vivent sous un ciel pollué par la lumière. La pollution lumineuse n’est pas seulement un problème pour notre patrimoine culturel, elle menace également les sommets des montagnes les plus reculées où se trouvent d’importantes installations astronomiques de premier plan. Avec la mise en opération d’un nouvelle génération d’observatoires au sol menant des recherches de pointe sur des sujets tels que la matière noire, la vie sur d’autres planètes et d’autres questions astronomiques et cosmologiques, l’Union astronomique internationale a établi un seuil maximal tolérable recommandé de pollution lumineuse pour les sites astronomiques d’environ 10 % au-dessus du niveau naturel. La pollution lumineuse augmente à l’échelle mondiale à un taux estimé entre 2 et 6% par an, ce qui réduit l’obscurité partout, y compris sur les sites des observatoires. Ces taux risquent d’atteindre le seuil des 10 % dans la prochaine décennie.
En plus de son impact sur l’astronomie, il existe des preuves convaincantes que la pollution lumineuse affecte négativement les systèmes écologiques et biologiques tels que les animaux nocturnes, les insectes et divers systèmes biologiques humains qui sont importants pour notre santé et notre bien-être. L’ impact sur les oiseaux peut être très important lors des migrations. Quand leurs trajectoires survolent des villes qui reflètent le coucher du soleil sur les bâtiments, les oiseaux désorientés, volent sans s’arrêter et meurent de fatigue ou de faim. Des études ont été menées sur ce phénomène en Amérique du Nord, à New York ou à Toronto. Un million d’oiseaux meurent chaque année de cette façon. Les tortues marines sont un autre exemple. Les mères tortues de mer viennent sur le rivage entre mai et octobre. Ils pondent des œufs dans le sable et ils quittent ces zones de nidification. S’il y a trop de lumière, lorsque ces œufs éclosent, ils confondent le reflet de la lumière des étoiles sur l’océan avec les lumières des hôtels et des bâtiments, et se dirigent donc dans la mauvaise direction sans pouvoir jamais revenir à l’océan. Les papillons de nuit qui sont des créatures nocturnes pollinisatrices sont également affectés, tout comme les poissons, les salamandres ou les amphibiens.
Ainsi, surveiller et atténuer autant que possible la pollution lumineuse est vital non seulement pour notre compréhension de l’univers, mais pour l’humanité et la bonne santé de la planète dans son ensemble.
L’International Dark-Sky Association a récemment publié un ensemble derecommandations en collaboration avec l’Illuminating Engineering Society (IES). Par exemple : La lumière doit avoir un objectif clair. Avant d’installer ou de remplacer une lumière, vous devez déterminer si elle est vraiment nécessaire et considérer son impact sur l’environnement, y compris sur la faune. Vous pouvez aussi voir comment vous en passer et envisager d’utiliser d’autres solutions comme des peintures réfléchissantes.
Une autre point important est que la lumière ne doit être dirigée que là où elle est nécessaire. Vous n’avez pas besoin de l’orienter dans toutes les directions mais vous devez la diriger vers le bas sans aller au-delà de la zone d’éclairage nécessaire.
Le troisième point est que la lumière ne doit pas être plus lumineuse que nécessaire, en utilisant le niveau d’éclairage le plus bas requis.
Le quatrième domaine est le contrôle de la lumière : la lumière ne doit être utilisée que lorsqu’elle est utile. Le dernier domaine est la couleur. Il a été démontré par diverses études que la lumière bleue produit des effets nocifs sur la santé humaine, comme des troubles du sommeil, des problèmes liés au diabète et d’autres effets sur la santé. Il est préférable de choisir une lumière de couleur ambre qui a une teinte plus rougeâtre et moins de lumière bleue.
Ce sont ces cinq points que vous pouvez mettre en place chez vous et vous pouvez également inciter vos voisins à faire de même.
Tout commence au niveau individuel. Vous pouvez en parler au conseil municipal de votre commune. Certains pays ont également pris des mesures et des lois au niveau national.
Mais si vous n’avez jamais grandi dans un endroit qui a un beau ciel étoilé, comment pouvez-vous savoir à quel point il vous manque et agir pour qu’il soit préservé?
Depuis des millénaires, le ciel nocturne a été une source d’inspiration pour l’Humanité à bien des égards. Il a déclenché notre intérêt pour les étoiles et la Science, mais aussi pour la littérature, l’art et même des compositions comme The Planets de Holst. Les plus belles créations sont nées sous l’influence du ciel nocturne et des étoiles. Si vous n’avez plus cette inspiration que va-t-il se passer pour la prochaine génération ? Je ne veux même pas y penser. Nous devons donc, en tant qu’intendants de la Terre protéger le ciel nocturne, le garder aussi sombre que possible et inverser ce processus de pollution.
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